Je ne vous parlerai pas de moi-même.
Je ne vous dépeindrai pas la douceur des paysages de mon enfance ni les raisons surnaturelles et divines qui m'ont menées, un soir de pleine lune, à rencontrer le théâtre. Pour vous être sincère, je ne suis pas très à l'aise avec ce portrait. Je n'envisage pas ce métier pour me raconter, j'ai trop à dire du monde.
Découvrir ce monde, est une expérience absolument bouleversante, renversante, terrifiante. On ne s'en sort pas indemne. Je fais partie d'une jeunesse qui a grandi pieds nus dans la boue d'une Terre malade.
Nous sommes cette jeunesse arrogante et colérique qui a du mal à trouver le sommeil.
Nous sommes cette jeunesse bruyante qui hurle sa liberté pour se convaincre qu'elle existe.
Nous sommes cette jeunesse destructrice qui déconstruit, pierre par pierre et chaque jour, les frontières entre chacun.
Nous sommes cette jeunesse intolérante aux inégalités.
Nous sommes cette jeunesse impitoyable avec la haine.
Nous sommes cette jeunesse qui lutte activement pour que ses convictions dépassent les frontières, traversent les barbelés et écrasent la censure.
Nous sommes cette jeunesse engagée qui s'empare de la paix de demain.
Nous sommes cette jeunesse formellement privée de promenade, l'errance trace à l'intérieur de nous une culpabilité indélébile.
Nous sommes cette jeunesse convaincue que la poésie n'est pas un loisir bourgeois mais une expérience sensitive forte.
Nous sommes cette jeunesse naïve et utopiste sûrement, mais fondamentalement créatrice.
Je suis de cette jeunesse là.
Nous sommes beaux, nombreux, nous avons les dents qui dépassent des lèvres, les yeux qui frémissent, le front perlé de sueur et nous avons choisi, par le théâtre, de réagir.
Dire le monde, celui que l'on éprouve, le dire avec urgence et nécessité. Dire sa beauté et son horreur. Le dire à tous et à chacun, partout et tout le temps, avec chaleur et bienveillance. Se faire l'humble miroir du réel et en questionner le reflet. Danser le théâtre, le penser hors les murs, libéré des anciennes représentations. Considérer les arts du spectacle comme une même unité artistique, croire en la physicalité de la parole, voir le corps comme un outil dialectique puissant, partager les mots et leurs racines charnelles, carnées.
Penser le théâtre comme une expérience physique, sensitive et collective. Dire le monde, le dire enfin avec Passion, car c’est elle qui m’anime, m’agite, me pousse et me tourmente,
par sa violence,
et sa démesure.