"J'ai l'intention de travailler et d'aimer, l'une et l'autre chose désespérément."
Pier Paolo Pasolini
il n'y a pas de différence entre aimer et jouer
il faut être retourné sur scène comme en amour
être labouré par le plateau
il faut s'y perdre s'y abandonner
l'acteur est un désespéré
un qui espère désespérément
un corps voué à l'entrechoc
je veux m'encastrer dans les autres
fuir le social le conventionnel les petits jeux où il faut correspondre à ce qu'il faut
fuir la médiocrité l'homme moyen
se jeter désespérément dans l'autre dans le travail
je veux me faire pénétrer par la langue par les mots
pour pouvoir en accoucher au plateau
si tout ça n'est pas charnel
alors tout ça n'est pas
sinon
c'est la tristesse
le vide
que des coquilles vides des coquilles mortes échouées sur un plateau
il faudrait toujours faire vibrer l'animal chez celui qui regarde
c'est ça le prodige du plateau
se connecter à d'autres par nos parts non-quotidiennes
réveiller ce qui se cache et se terre
jouer pour une assemblée de loups
être
un animal du présent
"je crois qu'il faut mourir
puis vivre
mourir avant de mourir
pour ne plus aimer mourir
je crois au regard renversé
je crois
que chacun peut sortir vivant d'ici
je crois que tout mot juste
vient de l'intérieur du ciel
et que ce ciel
vrille au plus profond de nous
je crois
qu'il faut anéantir
pour magnifier
que le frémissement
ne peut jamais surgir
là où sont la honte
la haine
la peur
je crois à l'opacité solitaire
au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure
je crois
qu'il faut habiter la lumière
par un long questionnement
sans réponse
je crois qu'il faut penser
comme chute une météorite
comme pleure une étoile-mère
qu'il faut saisir
l'intime conscience de son désastre
pour commencer
à vraiment sourire
pour s'aventurer
au plus bleu du bleu"
Zeno Bianu, Credo